Democrazy #4 - Un documentaire poétique pour résister ; devenir chef d'Etat le temps d'un jeu vidéo et les points chauds de la semaine
L'actualité des démocraties et de l'engagement citoyen
Au sommaire
Un documentaire d’une grande qualité esthétique pour témoigner de la résistance civile au Myanmar
Un jeu de simulation politique pour se mettre dans la peau d’un chef d’Etat en démocratie
Points chauds : Gabon, Zimbabwe, Myanmar, Equateur et Argentine
Source : Myanmar Film Collective
FILM - Myanmar Diaries : une bouteille à la mer
Un collectif anonyme de jeunes cinéastes a documenté la répression de la junte militaire contre la population birmane en 2021. Il en ressort un film poétique qui nous fait suivre le large mouvement de résistance populaire fondé sur la désobéissance civile qui se met en place pour tenir tête aux militaires. Tourné dans la clandestinité, le documentaire Myanmar Diaries est à la fois un film engagé et une belle proposition artistique et visuelle. Le documentaire a remporté le prix du film Amnesty International à la Berlinale 2022. Il est en libre accès sur la plateforme Arte.tv.
JEU VIDEO - DEMOCRACY 4 : un simulateur de démocratie
Le quatrième opus de la série de jeu de simulation “Democracy” est sorti fin 2020. Le principe est simple, vous choisissez un Etat à gouverner et incarnez le chef d'État. Vous devez lutter contre le chômage, réguler la dette ou encore répondre aux défis globaux que sont le changement climatique ou le terrorisme. Vos décisions augmenteront votre popularité (ou non) et vous permettront peut-être d’être réélu. Fake news, buzz sur les réseaux sociaux ou scandales de corruption influenceront la conduite de votre gouvernement. Il n’est pas évident d’être un bon président. Une version dédiée au continent africain (Democracy 3 : Africa) existe également. Le jeu est disponible sur les plateformes en ligne.
POINTS CHAUDS
Source : Mike Jocktane (X / Twitter) - 25 août : meeting du candidat d’opposition Albert Ondo Ossa
GABON
Un coup d’Etat est en cours au Gabon. Après avoir pris la parole à la télévision pour annuler le processus électoral en cours, les putschistes ont rétabli internet qui était coupé depuis quatre jours. Ali Bongo serait en résidence surveillée et les membres de sa garde rapprochée en état d’arrestation. L’élection générale était entachée d’irrégularités selon l’opposition, y compris en France où le vote s’est déroulé dans la confusion et sous les ors de la République. Des dispositifs comme le bulletin unique et le retour à une élection à un tour mis en place quelques semaines avant le scrutin donnaient déjà des armes pour un hold-up électoral. Dans cette république dynastique, le pouvoir est entre les mains de la famille Bongo depuis 56 ans. Malgré le désir ardent de la population d’obtenir l’alternance par les urnes, le pouvoir se maitient en réprimant les voix dissidentes et les oppositions. C’est ce que documente le mouvement Tournons La Page dans son dernier rapport qui compile les violations des droits humains depuis 2016. Sur place, la France dispose de 350 militaires dans la base permanete de Libreville et l’association Survie appelle l’Etat français à s’abstenir de tout interventionnisme militaire.
ZIMBABWE
Comme au Gabon, le Zimbabwe a vécu un simulacre d’élection. Les résultats de la présidentielle ont été proclamés très rapidement, donnant vainqueur, avec 52,6 % des voix, le président sortant, Emmerson Mnangagwa, 81 ans, contre 44 % pour l’opposant Nelson Chamisa, 45 ans. Lors du précédent scrutin, le premier organisé après l'éviction de Robert Mugabe, le pasteur Chamisa avait failli battre Mnangagwa lors d'un scrutin très serré et l’armée avait réprimé des manifestations faisant au moins 6 morts. Chamisa a misé sur le vote des jeunes (62% de la population a moins de 25 ans) mais l’apathie des jeunes électeurs, la répression et le harcèlement de ses militants et le manque de financement de son parti jouent contre lui. Les forces de l’ordre ont arrêté une trentaine d’observateurs électoraux membres du Zimbabwe Election Support Network (ZESN) et l’Election Resource Centre (ERC). Mais la jeunesse a d’autres moyens pour critiquer le pouvoir et notamment Youtube qui est utilisé comme un outil de satire politique. A lire également, un portrait d’une figure montante de l’opposition politique, Fadzayi Mahere.
MYANMAR
La junte au pouvoir depuis 2021, largement soutenue par Pékin, a instauré une dictature numérique selon l’association Access Now par différents moyens : coupures internet, surveillance de masse, propagation des discours de haine, censure.... Pour Amnesty International, Meta a contribué au nettoyage ethnique des Royinghas et doit leur accorder des réparations. La présence de la junte militaire au pouvoir conduit à des tensions diplomatiques au sein de l’ASEAN. Le Timor oriental lie son adhésion à l’institution régionale à la résolution du conflit en Birmanie. Depuis la déclaration du Premier ministre du Timor oriental début août, la tension est montée au point que la junte a ordonné à l’ambassadeur du Timor oriental de quitter le pays. En attendant, le Civil Disobedience Movement et ses 200.000 militants tentent de résister au régime militaire malgré 24.000 arrestations et 4 000 personnes tuées par la répression selon l’association Assistance Association for Political Prisoner.
EQUATEUR
Source : Joshua Bousel (Creative Commons) - Yasuni National Park
La présidentielle en Equateur a été marquée par l’assassinat de Fernando Villavicencio. L’ancien journaliste d’investigation pourfendait la corruption et souhaitait lutter contre le crime organisé, qui s’est durablement implanté dans le pays ces dernières années. Le pays est à la croisée des chemins et verra s’opposer le 15 octobre lors du second tour, la socialiste Luisa González et le candidat de droite Daniel Noboa. La candidate de gauche s’appuiera sur la popularité de l’ex-chef d’Etat Rafael Correa pourtant condamné pour corruption et exilé en Belgique. Le jeune candidat de droite est le fils d’une des plus grandes fortunes du pays, à la tête d’un empire construit sur l’exportation de bananes, personnage controversé et accusé d'évasion fiscale. Lors du scrutin du 20 août, les citoyens équatoriens ont aussi voté pour un référendum sur l’exploitation pétrolière dans le parc naturel de Yasuni et le résultat est historique : le pétrole restera sous terre et le pays se passera de la manne financière que représente l’exploitation du Bloc 43, situé en grande partie dans le parc naturel de Yasuni et responsable de 12 % de la production nationale d’or noir du pays.
Pour finir - la citation
Recep Tayyip Erdoğan (chef d’Etat de la Turquie depuis 2003) lors d’un discours en 1996 : « La démocratie, c’est comme un tramway: une fois qu’on est arrivé où l’on veut, on en descend. »