#8 - Religion et résonance / Droits des femmes et démocratie / Points chauds
L'actualité des démocraties et de l'engagement citoyen
Au sommaire
Livre - Penser la démocratie moderne avec Hartmut Rosa
Focus - Droits des femmes et démocratie
Points chauds : Bangladesh, Venezuela, Liberia, Ouganda
Source : Acceleration - Atenas Karpeles
LIVRES - Penser la démocratie moderne avec Hartmut Rosa
Pour Hartmut Rosa (sociologue allemand), nos sociétés modernes ont pour trait « la stabilisation dynamique », c’est-à-dire qu’elles sont contraintes de croître sans cesse et à un rythme toujours plus rapide pour maintenir leur stabilité. Mais en suivant ce cours effréné de l’accélération sans fin (la tyrannie de l’urgence), nous nous fermons à notre « humanité la plus profonde », celle de ressentir une affinité avec des choses, des êtres et des idées qui nous sont extérieures. C’est que Rosa appelle la résonance.
Dans son dernier texte Pourquoi la démocratie a besoin de la religion, il rappelle que la démocratie est un mode de gouvernement qui appelle une écoute attentive aux conditions des citoyens, autrement dit « d’avoir des cœurs qui sachent écouter »
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« La démocratie est le credo de notre société, mais celle-ci exige des voix, des oreilles et des cœurs qui écoutent ». - Harmut Rosa.
Selon le sociologue, la sphère religieuse peut aider les citoyens à adopter cette ouverture. Autre institution clé pour entrer en résonance avec le monde et dépasser l’accélération destructrice de nos existences : l’école. La pédagogie scolaire doit permettre de reconnecter les élèves au monde.
Hartmut Rosa considère que, parmi d’autres facteurs, l’humour est un élément déterminant pour créer un contexte d’enseignement favorable au développement d’un triangle de résonance. Rire en cours serait ainsi un principe essentiel de la pédagogie de la résonance et par ricochet une étape nécessaire au maintien de sociétés démocratiques.
Source : Monty Python - International Philosophy - Germany vs. Greece
FOCUS - Droits des femmes et démocratie
En Islande, des dizaines de milliers de femmes, y compris la Première Ministre, ont fait grève ce mardi 24 octobre 2023, derrière le mot d’ordre “"Vous appelez ça l’égalité ?". En faisant grève, l’objectif est de lutter contre l’écart de salaire entre les hommes et les femmes et contre les violences sexuelles et sexistes. Déjà en 1975, plus 25 000 Islandaises avait battu le pavé de Reykjavic pour exiger l’égalité des conditions. Grâce à des témoignages de militantes, cet article revient sur cette lutte historique.
Source : Icelandic Women’s History Archives
Alice Evans, professeure à l’université de Toronto, tient un blog passionnant “The great gender divergence” à propos de l’égalité de genre dans le monde. Dans un article récent, elle rappelle que seuls 13 pays ont atteint la parité hommes-femmes au niveau du pouvoir exécutif dans le monde. Dans tous les autres, les hommes sont surreprésentés. Dans un autre post, la chercheuse revient sur les trajectoires des pays d’Asie du Sud-Est sur l’égalité de genre. Tandis que Singapour, Hong Kong et Taïwan comblent les écarts de rémunération, d'ancienneté et de représentation parlementaire entre les hommes et les femmes ; le Japon et la Corée du Sud, quant à eux, affichent les écarts de rémunération les plus importants de l'OCDE.
Le jury du Prix Sakharov 2023 en récompensant Masha Amini et le mouvement des femmes en Iran, est venu rappeler le caractère inextricable du combat pour les droits des femmes et pour la démocratie :
ʺLe 16 septembre, nous avons commémoré le premier anniversaire de l'assassinat de Jina Mahsa Amini en Iran. Le Parlement européen est fier d'être aux côtés des courageux qui continuent de lutter pour l'égalité, la dignité et la liberté en Iran. Nous sommes aux côtés de ceux qui, même en prison, continuent à faire vivre les femmes, la vie et la liberté. En les choisissant comme lauréats du Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit 2023, ce Parlement se souvient de leur lutte et continue d'honorer tous ceux qui ont payé le prix ultime pour la liberté.ʺ - Roberta Metsola, présidente du Parlement Européen.
POINTS CHAUDS
Source : Rory Mizen, Flickr, CC BY-NC 2.0.
OUGANDA
Depuis des semaines, la scène politique ougandaise est secouée par un scandale impliquant le deuxième parti d'opposition du pays, le Forum pour le changement démocratique (FDC). Selon certains médias, le parti d’opposition aurait reçu des fonds de campagne du président Museveni au pouvoir depuis 37 ans. A 80 ans, au crépuscule de sa vie (politique), le patriarche continue de resserer l’étau. Son fils vient d’être nommé numéro 2 de l’armée et se positionne de plus en plus comme son dauphin. Museveni maintient son cap, notamment grâce à sa capacité à externaliser le recours à la violence pour rester au pouvoir.
BANGLADESH
“L'écrasement silencieux d'une démocratie”, c’est ainsi que le New York Times décrivait récemment la situation politique au Bangladesh. Les opposants au parti au pouvoir dans le pays font l'objet de dizaines de procès chacun, ce qui paralyse l'opposition à l'approche d'une élection cruciale prévue en janvier 2024. Il y a quelques semaines, lors d’un meeting, un membre du gouvernement a menacé de “verser l'uranium russe sur la tête des opposants”. Des centaines d’arrestations ont eu lieu cette semaine, avant une grande manifestation prévue par la coalition d’opposition ce samedi. Dans son dernier rapport, Human Rights Watch appelle le gouvernement à cesser les menaces et à inciter les citoyens à une participation pacifique aux élections.
VENEZUELA
Parrainé par les États-Unis, un accord a été trouvé entre l'opposition vénézuélienne et le régime au pouvoir de Maduro pour “une élection présidentielle libre et sincère” en 2024. 2,4 millions d’électeurs auraient voté au primaire de l’opposition de droite et ont désigné Maria Corina Machado pour les représenter à la présidentielle. Le gouvernement a qualifié le scrutin de “fraude” mettant notamment en doute le taux de participation. Marina Machado a été frappée de 15 ans d’inéligibilité en juin et est accusée par le pouvoir de corruption. Malgré l’accord pour les élections, la tension est loin d’être retombée, surtout que les tensions territoritales avec le Guyana voisin, sur fond de découverte de gisements pétroliers, ne font que croître.
LIBERIA
Le président sortant et ancien footballeur George Weah son adversaire Joseph Boakai sont arrivés au coude-à-coude au premier tour, le 10 octobre, selon les chiffres définitifs annoncés mardi 24 octobre. Environ 7 000 voix séparent les deux hommes et le second tour aura lieu le 14 novembre. Pour Robtel Neajai Pailey universitaire et activiste libérienne le peuple libérien doit faire partir démocratiquement le président en place : “le phénomène du football devenu homme politique “a écrasé son peuple d’un leadership médiocre”. Le journal burkinabè Wakat Séra rapporte que le combat contre la corruption promis par Weah n’a été que de la poudre jetée aux yeux de ses concitoyens. Dans une récente publication, le think tank “Chatham House” revient sur l’histoire des conflits au Libéria et en Sierra Leone et son impact sur les scrutins présidentiels de 2023.
Pour finir - la citation
bell hooks (écrivaine et militante féministe, 1952-2021), Apprendre à transgresser, 2019 : « je célèbre l’enseignement qui favorise la transgression – un mouvement contre et au-delà des limites. C’est un mouvement qui fait de l’éducation une pratique de la liberté ».