#10 - Paris, ses bâtiments et la démocratie / Faire face au recul démocratique / Points chauds de la semaine
L'actualité des démocraties et de l'engagement citoyen
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Vous voici sur Democrazy, la lettre d’information, qui deux fois par mois, discutent des processus démocratiques et des engagements citoyens dans le monde.
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Au sommaire
Urbanisme : 5 bâtiments parisiens et un peu d’histoire de la démocratie
Etudes - Faire face au recul démocratique dans le monde
Points chauds : Liberia, Madagascar, Burkina Faso
Crédit photo : Wikimedia Commons - Le temple du droit humain (Paris)
PARIS - LA DEMOCRATIE SUR LES FACADES
Depuis 2016, le Parc de Belleville accueille la Halle Civique un espace de 650 m2 occupé par des associations, des entrepreneurs sociaux et des institutions, travaillant au renforcement du pouvoir des citoyens. Cet espace s’inscrit dans une histoire de lieux et de bâtiments où les combats pour la démocratie se sont construits.
Crédit photo : Guillaume Bontemps / Mairie de Paris
Dans le 13e arrondissement, juste derrière le magnifique Institut de paléontologie, vous trouverez « le temple du Droit Humain ». Vous y lirez cette inscription sur le fronton « Dans l’humanité la femme a les mêmes devoirs que l’homme elle doit avoir les mêmes droits dans la famille et dans la société ». La loge maçonnique du Droit humain est l’une de premières loges mixtes et a été créée en 1893 par Georges Martin et Maria Deraismes, oratrice, femme de lettres et pionnière du féminisme en France.
Au 32 boulevard Raspail (6e arrondissement) se situe un immeuble très étroit de style néogothique, avec une tourelle et une pendule d’une grande beauté. La porte d’entrée est ornée d’un décor en céramique où est inscrit «La Démocratie», nom d’un quotidien (1910-1914) fondé par Marc Sangnier, journaliste et homme politique français. L'’édifice fut également le siège du Sillon, parti et mouvement politique du catholicisme social. Désormais, vous pouvez vous restaurer au bistrot « La démocratie » qui a pris place dans l’ancienne salle de rédaction du journal.
Crédit photo : Siren-Com (wikimedia commons)
Créée en 1882 par les communards de retour d’exil, l’association des Amies et Amis de la Commune de Paris (1871) est l’une des plus anciennes organisations du mouvement ouvrier français. Elle se situe au cœur du quartier de la Butte aux cailles dans le 13e arrondissement. Dans le même quartier, vous pourrez rejoindre le restaurant « Le temps des cerises » qui fonctionne sous le modèle d’une Société Coopérative Ouvrière de Production ( S.C.O.P ) depuis sa création en 1976.
Enfin, en 1861, dans le quartier du Marais (au 54 rue de Turenne, 3e arrondissement), des ouvriers et des artisans crééent la Bibliothèque des amis de l’instruction populaire. Pour la première fois, le public populaire peut emprunter des ouvrages (jusqu’à 20.000 références dans le catalogue !). Les femmes y bénéficiaient d’un demi-tarif. Il n’est plus possible d’y emprunter des livres mais vous pouvez visiter les lieux pour des évènements, colloques ou lors des journées du patrimoine.
Et puis, si vous voulez lire sur l’histoire de Paris manière ludique et érudite, je vous recommande L’histoire de Paris par ceux qui l’ont fait de Graham Robb.
Crédit photo : Joseba Sanchez Zabaleta - Fridge with books
ETUDES - FAIRE FACE AU RECUL DEMOCRATIQUE DANS LE MONDE
Il y a quelques semaines, dans son rapport sur l’état de la démocratie dans le monde, l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) déplorait la plus longue “récession démocratique” jamais observée par l'organisation depuis qu'elle a commencé à collecter des données en 1975. La moitié des pays souffrent de déclin démocratique notamment en matière d’indépendance de la justice, de qualité des processus électoraux et d’Etat de droit. L’IDEA voit quelques signes d’amélioration dans le domaine de la corruption en Afrique, en Asie et en Europe.
“La catégorie la plus encourageante est celle de la participation, où les scores restent étonnamment élevés même dans les pays ayant un faible niveau de performance démocratique au niveau institutionnel.” (IDEA, octobre 2023)
Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique vient d’actualiser son analyse sur les conséquences du contournement des limitations de mandats en Afrique. Le rapport actualisé insiste sur l’impact négatif du contournement de la limitation des mandats sur le maintien prolongé au pouvoir de certains dirigeants. Dix d’entre eux sont ainsi au pouvoir depuis au moins 18 ans, et tous ont soit contourné les limites de mandats ou dirigent des pays qui n’en sont pas dotés.
“Le contournement des limitations de mandats est au cœur des nombreux dysfonctionnements de la gouvernance en Afrique. Il est aussi lié à des niveaux plus élevés d’autocratie, de corruption, de conflit et de tendance aux coups d’État.” (Africa Center, octobre 2023)
Pour les auteurs, le non-respect de la limitation des mandats favorise l’augmentation des coups d’État en Afrique. Sur les 8 pays qui ont subi des putschs depuis 2015, 5 (le Gabon, la Guinée, le Soudan, le Tchad, et le Zimbabwe), avaient à leur tête un dirigeant qui avait contourné une limite à son mandat.
De son côté, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies publie un Manuel des normes internationales relatives aux droits de l’homme applicables aux élections. Il vise à sensibiliser aux enjeux relatifs aux droits de l’homme qui se présentent pendant les élections et à renforcer les capacités des acteurs engagés dans les processus électoraux. Cette publication rappelle que pour l’ONU “les élections sont au cœur de la démocratie et demeurent le principal moyen par lequel les individus peuvent exercer leur droit de participer aux affaires publiques.”
Enfin, du côté de la société civile, le Centre international sur le conflit non-violent (INCL) propose d’opérer une bifucartion dans nos approches militantes pour faire face à “la vague autoritaire qui secoue le monde”. L’association milite notamment pour la mise en place d’une norme internationale : “le droit à l’assistance vis-à-vis des mouvements pro-démocratie”.
POINTS CHAUDS
Credit photo : Brittany Danisch.
LIBERIA
Le président sortant du Liberia, George Weah, a concédé, vendredi 17 novembre sa défaite à l’élection présidentielle face à l’opposant Joseph Boakai. Le nouveau président a appelé à l’unité : “Nous avons tous gagné. Ce qui s’est passé dans notre démocratie au cours des quatre derniers jours est une victoire pour le Liberia et sera un héritage pour nous en tant que peuple et marquera la postérité pour toujours ». Cette alternance démocratique a été saluée par de nombreux pays du monde et renforce la culture démocratique de ce pays de 5 millions d’habitants. Le président Weah a beaucoup déçu lors de son mandat alors qu’il avait fait campagne en 2018 sous le slogan “Change for Hope”. Juste avant le seconde tour, le média African Arguments fait le parallèle entre la situation politique aux Etats-Unis d’Amérique et au Liberia. A 78 ans, Boakai est une figure chevronnée de la politique libérienne ; comme son homologue américain, Joe Biden, il s’est confronté à “une mégastar populiste avec une compréhension comique de la gouvernance”. Dans un pays toujours marqué par quatorze années de guerre civile (1990-2003), le nouveau président qui fut déjà ministre de l’agriculture et Vice-président, a promis de relancer l’économie du pays en s’appuyant sur les infrastructures, l’agriculture et le tourisme.
MADAGASCAR
Le 16 novembre s’est tenue l’élection présidentielle à Madagascar dans un climat politique dégradé. Une large partie de l’opposition a boycotté le scrutin et la campagne a été marquée par des répressions de manifestations. La présidente de l’Assemblée nationale avait demandé quelques jours avant le vote sa suspension. Finalement, le président sortant de Madagascar, Andry Rajoelina, qui briguait un second mandat, l’a emporté avec 58,95 % des suffrages selon la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Les résultats doivent encore être entérinés par la Haute cour constitutionnelle (HCC), plus haute juridiction du pays. Comme le rappelle Solofo Randrianja, professeur d’histoire à l’université de Tamatave, à Madagascar, « toutes les alternances se sont faites en dehors des règles ». Le Monde relate que le président Rajoelina a encore dépensé énormément d’argent (privé et public) pour sa réélection :
“De grands meetings ont été organisés et de l’argent a été distribué aux électeurs en échange de leur vote en faveur de la formation présidentielle TGV (Tanora malaGasy Vonona – « Jeunes Malgaches déterminés »). Devant les antennes du parti dans plusieurs villes du pays, des foules se rassemblaient au lendemain du scrutin pour réclamer le montant promis. Le plus souvent 300 000 ariarys (environ 65 euros) liés à des programmes de filets sociaux pour les ménages les plus vulnérables financés par la Banque mondiale. Parallèlement, l’administration et en particulier les enseignants qui constituent le gros des effectifs de fonctionnaires ont été mobilisés sur ordre des directeurs régionaux de l’éducation “
Un nouvel épisode de ce que le géographe Christian Bouquet expliquait déjà en 2018 avec la distribution massive de goodies (tee-shirts, casquettes…) lors des élections : “À Madagascar, les électeurs peuvent se rhabiller tous les cinq ans”.
BURKINA FASO
Depuis son coup d'État il y a un an, le capitaine Ibrahim Traoré dirige le pays d'une main de fer alors que dans le même temps, les groupes terroristes poursuivent leur progression. Le régime utilise la conscription dans le cadre de la « mobilisation générale » pour réduire au silence des voix dissidentes. Le magazine français Jeune Afrique, RFI et France 24 sont interdits de diffusion dans le pays. Les médias locaux ne sont pas épargnés par cette répression. Pour le journal La Croix, le pays s’enfonce dans la terreur. Il y a 7 ans seulement, une révolution citoyenne faisait chuter le régime autoritaire de Blaise Compaoré après 27 ans de pouvoir et faisait souffler dans toute l’Afrique un vent d’espoir démocratique.
Pour finir - la citation
Lao-Tseu (sage chinois, VIème siècle av. J.C.), dans Tao-tô king : « Si le peuple est difficile à gouverner cela vient de l’excès de son intelligence ».